Au cours des quarante dernières années, nous avons été absorbés par la pratique consistant à créer quelque chose à partir de rien. Nous réalisons des tirages à partir des fragments de nos voyages et de notre imagination, des cadres fins à partir de bois non scié, et du papier fait main à partir de milliers de chutes. Notre dernier chapitre est la conversion d’une boulangerie de quartier en atelier-galerie: notre premier emplacement urbain…

Enfants des années soixante, nos valeurs fondatrices quasi utopiques ont résisté à l’épreuve du temps : interdépendance, créativité, expérimentation et transmission.   Une vie créative bien vécue, et de préférence sans se limiter au style de vie inhérent à l’”artiste pauvre”! Aucun d’entre nous n’a jamais voulu d’un emploi classique de type “nine to five” et la liberté semblait être un objectif qui valait la peine d’être atteint. Les objectifs, c’est bien, mais ça ne veut rien dire si on ne se met pas à l’œuvre… Dès la fin de nos études, nous avons commencé à enseigner, à apprendre et à échanger, et nous n’avons pas arrêté depuis; d’abord l’histoire de l’art, puis la gravure, la papeterie, l’encadrement sur mesure, plus tard la conception de meubles et d’objets d’artisanat et, plus récemment, de curation d’art contemporain.

Notre plan d’entreprise était le modèle «utilisez ce que vous avez» et continuez jusqu’à ce que ça marche (c’est-à-dire que ça se vende!). Nous avions peu de ressources, hormis un magnifique mais simple cottage balayé par le vent, Mountain Gate, que Pete a minutieusement transformé en une pseudo-villa grecque, avec ses murs blancs rugueux, sans oublier la vue sur les montagnes à vous couper littéralement le souffle, les rares fois où la brume se levait! De plus, nous avions le nécéssaire pour vivre une belle vie; un amour naissant et rien que du temps devant nous. Heureusement, nous partageons tous les deux un état d’esprit créatif assorti d’une capacité de s’adapter, alors nous avons commencé à construire un studio en bois et en verre avec de l’espace pour le poêle à bois obligatoire et peut-être un peu de kit un jour quand nous aurons les fonds nécessaires. 

Une rencontre fortuite avec un maître papetier, Maureen Richardson, experte en tout ce qui concerne le papier et l’impression, nous a mis sur une nouvelle voie. Nous avions beaucoup de chutes de papier à recycler provenant de notre activité d’encadrement et une source constante de vent pour le séchage à l’air libre ; nous avons donc appris à fabriquer du papier. Les résultats étaient étonnants, et comme nos papiers faits à la main complétaient magnifiquement nos impressions, il était temps de passer à l’échelle supérieure.

Notre premier grand investissement en matériel a été une presse à graver Bewick & Wilson, fabriquée à la main par deux ingénieurs hautement qualifiés dans un simple garage dans le nord de l’Angleterre. Cette bête monstrueusement lourde a été livrée à notre studio vide nouvellement construit dans une camionnette à la suspension renforcée et équipée d’un système de poulie pour la manœuvrer. Résistant au feu, il y est resté pendant dix ans, jusqu’à ce que nous le déplacions, avec beaucoup d’efforts et sans poulie, dans le sud-ouest de la France. 

Parfois, il suffit de sauter le pas et c’est ainsi que, sans grande préparation, après avoir craqué pour une maison idyllique décorée d’un énorme figuier à l’entrée du  jardin d’entrée au cœur d’un village ridiculement pittoresque, nous avons déménagé en France en 2000. Le plus grand choc a été l’augmentation significative de la population : de 20 personnes à Brynafan au Pays de Galles, nous avons été confrontés à une population inconcevablement débordante de 130 personnes à St Marcel du Périgord!

Il nous a fallu un certain temps pour nous habituer à l’agitation de la vie de village, ce que nous avons fait tout en restaurant une vieille maison “l’Ermitage”pour notre famille qui, peu à peu, s’agrandissait et en transformant d’anciennes granges en ateliers et en galerie d’art devenu notre précieux “Atelier Ermitage”. Une période inoubliable, en effet, avec une orientation vers le travail du bois et la conception de meubles pour des clients privés et un rôle de super-héroïne en tant que Paperwoman animant des ateliers sur la transformation et la métamorphose du papier lors d’événements publics.

Le temps a passé, les enfants ont grandi et la grande ville s’est présentée comme une parfaite opportunité. Dix-huit ans plus tard, nous avons donc pris la route de Périgueux et de ses 30 000 clients potentiels ! Dans la capitale de la Dordogne, nous sommes tombés sur une boulangerie désaffectée que nous avons achetée et transformée en un atelier-studio lumineux, notre première implantation urbaine. Nous l’appelons Artplus pour rappeler les différentes facettes de nos vies professionnelles et créatives, mais aussi parce qu’il s’agit d’une porte ouverte sur ce qui pourrait suivre…

Cette même presse, une constante dans nos vies, se dresse maintenant glorieusement dans notre cher studio de gravure aux murs verts, référence poétique aux Pays de Galles, qui désormais, est professionnellement équipé. De nombreuses mains l’ont utilisée et nous espérons qu’il y en aura encore beaucoup d’autres à mesure que nous élargissons notre programme d’ateliers et d’accès à l’atelier ouvert pour partager notre passion de toujours pour la création, l’expérimentation et la vie elle-même.